Le contrôle de l’insuffisance professionnelle par l’Ordre

 19 mars 2016
 C. Josse


Le décret n° 2014—545 du 26 mai 2014 (d’application immédiate) 
a marqué l’entrée en vigueur des procédures de contrôle de l’insuffisance professionnelle des médecins (mais également des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des pharmaciens, des infirmiers, des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues).



Ce contrôle qui peut avoir lieu au moment de la demande d’inscription au tableau du praticien, au cours de son exercice mais également à l’occasion d’une procédure disciplinaire peut aboutir à un refus d’inscription ou à une suspension temporaire du droit d’exercer.
Le devoir déontologique de formation (article 11 du code de déontologie médicale) est devenu une obligation légale en 1996. Depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, on parle de « développement professionnel continu ».
Il s’agit pour le médecin d’évaluer ses propres pratiques et ses compétences pour ensuite se former et mettre à jour son savoir.

Contrôle de l’insuffisance professionnelle au moment de l’inscription
Entre autres choses, le Conseil départemental de l’Ordre des médecins doit s’assurer que le médecin ne présente pas une insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la profession.
En cas de doute sérieux sur la compétence professionnelle du demandeur (il s’agit d’une appréciation objective des faits), le Conseil départemental peut saisir le Conseil régional de l’Ordre des médecins qui diligente une expertise.
Ces interrogations peuvent par exemple résulter d’une période longue d’inactivité médicale avant la demande de réinscription.
Le Conseil départemental commence par informer le médecin de ses doutes et reçoit ses explications.
Ensuite, par une décision non susceptible de recours, il sollicite l’organisation d’une expertise auprès du Conseil régional qui a six semaines pour la mettre en place.
L’expertise est réalisée par trois médecins experts qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné. Le 1er expert est choisi par le médecin concerné (ce ne peut pas être un praticien qui lui a déjà donné ses soins), le 2ème par le Conseil régional et le 3ème par les deux premiers parmi les personnels enseignants et hospitaliers titulaires de la spécialité.
Pour la médecine générale, le 3ème expert est choisi parmi les personnels enseignants titulaires ou les professeurs associés ou maîtres de conférences associés des universités.
Si le médecin ne désigne pas d’expert, le Conseil régional sollicite le président du tribunal de grande instance qui en nommera un par ordonnance.
Les experts doivent se prononcer sur les insuffisances du praticien, leur dangerosité et préconiser les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique.
Les experts ont six semaines pour déposer leur rapport qui sera transmis par le Conseil régional au Conseil départemental.
Si le rapport relève l’existence d’une insuffisance professionnelle rendant dangereuse l’exercice de la profession, le Conseil départemental refuse d’inscrire le médecin à son tableau tout en précisant ses obligations de formation.
La décision du Conseil départemental doit être motivée et est susceptible de recours devant le Conseil régional dans un délai de trente jours. Ce recours n’est pas suspensif. Le Conseil régional peut organiser une nouvelle expertise ou rendre sa décision directement.
Le praticien ne pourra solliciter de nouvelle inscription tant qu’il n’aura pas au préalable rempli les obligations de formation prévues dans la décision.

Contrôle de l’insuffisance professionnelle d’un médecin déjà inscrit au tableau
Le Conseil régional peut être saisi d’une demande d’expertise par :
- le Directeur général de l’Agence Régionale de Santé ;
- le Conseil départemental ;
- le Conseil national.
Le Conseil régional est le plus souvent saisi par une délibération du Conseil départemental dont l’attention a pu être appelée sur des insuffisances du praticien rendant son exercice dangereux (par exemple à l’occasion d’une procédure disciplinaire).
La procédure d’expertise est la même que lors d’une saisine au moment d’une demande d’inscription au tableau.
Mais une fois que le rapport est rendu, c’est le Conseil régional qui prend la décision après la tenue d’une audience à laquelle sont convoqués le médecin et le Conseil départemental.
Le médecin peut être assisté ou représenté par la personne de son choix.
La décision du Conseil régional peut consister (ou non) en une suspension temporaire du droit d’exercer la médecine pour insuffisance professionnelle. Cette suspension peut être totale ou partielle, elle est d’une durée déterminée et la décision définit les obligations du praticien.
A défaut de décision du Conseil régional dans un délai de deux mois, 
il y a dessaisissement au profit du Conseil national.
La reprise de l’exercice professionnel du praticien ne pourra avoir lieu sans qu’il ait au préalable justifié auprès du Conseil régional avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision.
La décision peut faire l’objet d’un recours pendant un délai de dix jours devant le Conseil national. Ce recours n’a pas d’effet suspensif.
Un ultime pourvoi est ensuite possible devant le Conseil d’Etat.

En cas d’urgence
Le Directeur général de l’ARS peut prononcer une décision de suspension immédiate du droit d’exercer du médecin pour insuffisance professionnelle pour un délai maximum de cinq mois.
Il saisit ensuite le Conseil régional et la procédure d’expertise décrite précédemment est mise en œuvre.

En 2015, l’ensemble des Conseils régionaux a rendu 13 décisions relatives à l’insuffisance professionnelle et la formation restreinte du Conseil national en a rendu 27.